Les 7 étapes dans le développement d’un échange de pouvoir érotique

Ce texte est une adaptation par Valmont d’une traduction que l’on pouvait lire autrefois dans le site de Powerotics. J’ai publié ce texte dans la revue Corps & Âme en juillet 2003.

Ce texte présente les sept étapes qu’une personne, dominante ou soumise, va traverser en développant des pensées et émotions liées au BDSM. Il pourra certainement vous aider (notamment) à répondre à la question fondamentale : « suis-je une personne « normale »? »

Entrer dans les jeux de rôle et les jeux de douleur/plaisir amène de sérieuses remises en question sur ce que l’on est et ce que l’on veut en matière de désirs et de sexualité. Tout y passe : la peur du ridicule et du jugement, la culpabilité, le dégoût, le sentiment de rejet, la crainte de ne pas être à la hauteur.

Bref, ça brasse!

À travers tout le brassage d’idées, d’images et de sensations, la personne traverse sept étapes dans le cheminement lié aux échanges de pouvoirs érotiques. Que cette personne soit de nature dominante ou soumise ne change pas ce cheminement. Certaines personnes traverseront ces étapes plus vite que d’autres, en fonction des circonstances et de leurs capacités.

Ni début, ni fin

Bien que l’ensemble du processus peut prendre quelques années, les étapes n’ont ni début ni fin clairement définis. Elles peuvent être combinées ou vécues simultanément. Le passage de l’une à l’autre ne se marque pas toujours avec évidence. Leur principal mérite tient dans le rôle de repères qu’elles peuvent jouer. Ces repères nous aident à nous situer dans notre propre cheminement.

Forcément, tout le monde ne passe pas des pensées à l’acte. Certaines personnes cessent leur quête en chemin et se tournent vers d’autres intérêts. Cette interruption peut durer des années voire des décennies avant de réapparaître… ou non.

Seule certitude : la quantité d’information ainsi que la facilité et la rapidité d’accès à cette information est vitale pour la rapidité d’évolution du processus. Chaque désillusion ou abus est susceptible d’entraîner des conflits intérieurs et autour de soi. Ces conflits demanderont chaque fois plus de temps pour être résolus.

Étape 1 : l’attirance et les pensées

Il n’y a pas d’âge pour développer des pensées liées aux échanges de pouvoir érotiques.

Jouer au docteur avec sa petite voisine peut laisser une forte impression. Les échos peuvent se répercuter longtemps avant de reprendre forme. Certaines personnes auront la révélation de leur vie en visionnant tel film, en sortant à tel endroit, en défilant telle page web. On peut entrer dans le cercle à tout moment. En aucun cas, cette attirance signifie que l’on développera des pensées BDSM significatives. Et encore moins que l’on deviendra un adepte de ces pratiques le reste de nos jours.

Découvrir les pratiques BDSM

Souvent, les gens découvrent le BDSM après avoir traversé une période difficile dans leur vie, comme un divorce ou une remise en question du couple, une mauvaise expérience. Ce sont des événements qui induisent un regard sur nous-même et sur notre environnement.

Parfois, cette découverte se fera dans un contexte positif. Par l’entremise d’une personne que l’on rencontre… ou que l’on a déjà rencontrée.

Il est aussi possible que cette découverte soit influencée par le développement général de l’individu, de sa vie, et plus particulièrement de sa sexualité.

Les sentiments éprouvés à ce moment ne sont pas en général explicitement dominant ou soumis. On parle plutôt d’un intérêt plus général pour ces tendances.

Au sens strict, personne n’est 100 % dominant ou 100 % soumis. L’attirance vers l’une ou l’autre dimension peut cohabiter chez la même personne. Cette attirance prendra, par la suite, une direction déterminée, sauf dans les cas où la personne souhaite entretenir les deux aspects dans ses jeux. On désigne ces gens – parfois de façon péjorative -, par le terme anglais « switch », ou polyvalent.

Par ailleurs, il n’est pas rare de voir des gens surgir avec l’idée toute faite qu’ils sont dominants, et qu’en cours de route, leur véritable nature (soumise) émerge…

Les facteurs d’influence

Les causes de cette évolution dans le développement ne sont pas toujours clairement identifiées. Des aspects comme l’éducation, l’ouverture d’esprit, la créativité, le passé familial et la religion ont une influence.

À noter, un passé marqué par des abus sexuels se révèle parfois également un facteur d’influence.

Cette étape est très souvent marquée par l’incertitude.

LIRE : Les motivations à la soumission

Étape 2 : la crainte

La gêne d’éprouver du plaisir à la perspective de rougir les fesses de l’être aimé, un exemple parmi mille, peut produire des périodes plus ou moins longues de rejet des pensées liées aux pratiques BDSM.

Plusieurs facteurs influencent ce plaisir, notamment l’éducation reçue, les antécédents familiaux, les tabous sociaux, le manque général d’information sur le sujet, un cadre juridique restrictif, les préjugés et stéréotypes, sans oublier le manque d’éducation sexuelle.

À ce stade, tant les dominants que les soumis ont l’impression qu’ils sont les seuls au monde à avoir ces « idées folles ». En aucun cas, ils en parleront autour d’eux. Certains se mettront en recherche active d’information, d’autres cultiveront secrètement leurs pensées.

Pour la personne impliquée, ces pensées ne sont pas nécessairement identifiées comme « mauvaises ». Elles peuvent avoir quelque chose de positif et de spécial qui peut leur être propre.

Bien sûr, ces pensées risquent d’entrer en conflit direct avec les standards sociaux. Aujourd’hui, s’il n’est pas rare de lire des articles pro-BDSM dans les revues féminines québécoises grand public, être soumise pour une femme, c’est tout de même socialement mal vu. Ceux et celles qui nourrissent des fantasmes de viol ou d’enlèvement sont souvent perçues par les autres comme un danger.

L’homme aura des craintes de passer pour un monstre ou un salaud sadique. Plusieurs seront taxés de faible et de « moumoune », s’ils osent avouer leur envie de se soumettre à une femme, ou « pire », à un autre homme…

LIRE : L’attirance pour les pratiques BDSM

Étape 3 : l’expérimentation et la recherche d’information

Même s’ils gardent leurs fantasmes et rêves pour eux, les individus commencent à expérimenter, souvent sur eux-mêmes, alternant les rôles de dominant et soumis. C’est à ce stade que prend forme la quête d’information qui est très souvent fortement liée à leurs fantasmes. Cette quête d’information prendra la forme de recherche de récits, d’images, de tentatives d’explication.

C’est généralement à ce stade que la personne se rend compte que d’autres ont des pensées semblables.

S’il n’est pas encore question de les contacter, découvrir que d’autres personnes partagent les mêmes pensées que les nôtres est à la fois source d’encouragement et d’appréhension. C’est pour cette raison qu’il faudra du temps avant que se prenne l’initiative de rechercher des interlocuteurs et/ou des partenaires.

Étape 4 : la recherche du contact

À ce stade, nous ne sommes pas prêt.e à rencontrer un partenaire de jeux. Encore moins à nous adonner à des activités BDSM. Mais on commence à rechercher activement le contact avec d’autres personnes partageant nos pensées et envies.

Si cela se produit au sein d’une relation existante, le plus grand risque pour la personne impliquée est celui d’une rupture. Ce peut être la cause d’un arrêt du développement des pensées et d’un retour vers le secret.

À ce niveau, certaines personnes peuvent rencontrer un problème de gestion des priorités au sein de leur vie.

La gestion des priorités

Trois problèmes de priorités peuvent se présenter:

1. La personne impliquée va donner une priorité absolue à ses désirs. Elle va les placer en tête de tous les aspects de sa vie, tout en les idéalisant à outrance.
2. La personne va longtemps osciller entre différentes situations dans sa vie de tous les jours. Une journée, elle veut être telle personne, et le lendemain, une autre complètement différente. Les femmes soumises rencontrent fréquemment ce type de problème envers leurs différents rôles (mère, épouse, activité professionnelle).
3. Un autre problème, spécifique aux femmes soumises, est la priorité donnée aux idéaux. D’un côté, elles veulent être sûres d’elles et fortes. De l’autre, les émotions et les sensations que leur procure (ou suggère) la soumission entrent en conflit direct avec leurs idéaux.

Ces problèmes de gestion des priorités peuvent entraîner désillusions et déceptions. Par exemple, l’impossibilité de trouver un partenaire dans sa région. Ou encore la difficile conciliation avec un.e partenaire existant.e ou un.e époux.se.

Qui plus est, les femmes soumises sont, à ce stade, très vulnérables. L’idéalisation de leurs tendances à la soumission peut les mener vers une relation abusive.

Étape 5 : la réconciliation

Le stade de la réconciliation est celui de l’acceptation définitive et de la compréhension de ses fantasmes.

La personne a rassemblé une grande quantité d’information. Elle a vécu quelques expériences positives (ou non). Dans certains cas, des partenaires ou interlocuteurs ont été trouvés. La personne impliquée va maintenant comprendre ce qui se passe dans son esprit.

Point important : c’est seulement maintenant que la reconnaissance par la « communauté BDSM » va se produire, si l’individu désire se faire voir et connaître. Il ou elle sera immédiatement identifié.e comme « novice ». En fait, bien souvent, il ou elle dispose déjà d’une certaine expérience de scènes ou de la relation BDSM (en privé).

La désillusion de l’étape 4 fera alors partie de l’apprentissage. La majorité des personnes impliquées dans les pratiques BDSM sont passées par plus d’une expérience avant de trouver le bon environnement et/ou le bon partenaire.

Étape 6 : la recherche du partenaire BDSM

Il y a peut être bien un partenaire disponible à ce moment. Mais il est temps pour celui-ci d’évoluer vers le même niveau d’information et de compréhension. C’est le moment, pour les deux personnes, d’identifier leurs points communs et de négocier leurs accords.

Pour les personnes déjà en relation de couple, divers scénarios prennent place dans cette recherche d’un partenaire de jeux. La question se pose : est-ce que le maître sera le mari, un amant, une troisième personne? Ou encore, une soumise peut-elle former son propre dominant?

Pour les personnes célibataires, il est maintenant temps de panser leurs blessures issues des étapes précédentes. Elles sont prêtes à recommencer leur quête, cette fois mieux équipées.

Étape 7 : la révélation

Les partenaires ont défini leurs besoins et leurs attentes. Ils se sont entendus sur la marche à suivre dans le cadre de leurs scènes de jeux.

C’est le commencement d’une véritable relation dans l’échange de pouvoir érotique. La relation commence à s’épanouir par l’expérimentation et l’apprentissage communs. C’est la boucle sans fin.

C’est alors Stairway to heaven ou Ascenseur pour l’échafaud… selon les goûts.. :- )

C’est aussi là que le vrai travail commence!… ;- ))