C’était à l’automne 2000, je crois.
J’étais à ce moment-là fort déçu. Non, pas déçu autant que de très mauvaise humeur. Pour ne pas dire fâché.
Fâché envers une personne, une soumise. Fâché envers un tas de croustelevez qui se réclament du bdsm, et qui sont en réalité des clowns tristes et des pitres insignifiants. Des gens qui manifestement n’ont pas la moindre idée de la difficulté réelle et des périls de la relation fondée sur les échanges de pouvoirs érotiques, mais qui ont l’outrecuidance de se mêler allègrement des affaires des autres, parce que leur vie…
Comme si tout était simple quand il s’agit de dominer, n’est-ce pas? Comme si tout était facile, où les problèmes se résolvent d’un seul claquement de doigts. Car on le sait bien, un dominant n’a qu’à exiger pour obtenir.
Que le maulubec vous trousque viets d’aze!
Je venais de donner son 4 % à une soumise, après des semaines à tenter laborieusement un atterrissage en douce. À vouloir recadrer ses énergies et ses priorités. À ralentir la cadence des interactions bdsm avant d’arriver tête première dans le mur.
Parce que dans mon livre à mouah, une femme prête à larguer mari et enfants pour partir avec son Maître sur un tapis volant, c’est le genre de scénario charmant qui fait les délices de la programmation cinéma de Canal-Vie, mais une fois la télé éteinte…
Parce qu’une soumise mariée qui habite à douze heures de route et qui refuse à son maître de se faire une copine, ce n’est plus une question de double standard ou de mauvaise foi, c’est une perte flagrante de perspective et du sens des réalités.
C’est perdre de vue que le bdsm ne doit jamais mettre en péril notre vie quotidienne, nos acquis familiaux, professionnels et amicaux. Voire nos repères amoureux.
Fréquentant assidûment à l’époque le palace Québec-BDSM où j’avais créé un grand nombre de pièces à l’intention des visiteurs désireux de se familiariser avec les activités et la philosophie bdsm, et même une petite page web sur feu Multimania (ô doux souvenirs), ce sont des conversations avec deux soumises d’expérience qui me sauvent de la déroute. D’un certain découragement face aux comportements et agissements d’un grand nombre de femmes se disant soumises, où les désespérées du cœur ou du cul foisonnent.
On entend souvent dire que les bons maîtres sont plus rares que de la marde de pape. On peut en dire autant des soumises, ma très chère sœur.
Ces deux soumises donc, chloé et bijou, me font voir que je ne dois pas généraliser. Que les soumises sérieuses dans leurs démarches, elles existent. Qu’au bout du compte, au lieu de blâmer xyz pour mes déboires et revers, ou de tout lâcher, je suis peut-être mûr pour passer à un autre palier dans ma découverte des échanges de pouvoirs érotiques.
Jusque là, mes expériences bdsm s’étaient toujours déroulé dans la sphère privée, avec des conjointes, des copines ou de pures inconnues rencontrées dans un cadre vanille qui virait au chocolat.
Mais jamais je n’étais sorti en public. À jouer devant des personnes inconnues. Passer de la pratique bdsm privée à la pratique bdsm devant public est un grand pas qui ne se franchit pas aisément, même pour un dominant. Beaucoup ne le franchissent jamais d’ailleurs.
C’est dans la foulée de ces conversations avec les deux soumises susmentionnées qu’un bon soir, l’affriolante chloé (plus masochiste que soumise) m’offrira avec l’accord bienveillant de son maître, une jeune soumise libidineusement délicieuse et allumée pour la durée d’une soirée au Club L’Orage International, le fameux club échangiste à Montréal qui organisait à l’époque des soirées « fetish » de temps à autres.
Comme je me sentais gauche, impressionné. Ébloui par les lieux et son atmosphère ludique. Ébloui par la possibilité de s’offrir sans gêne ni pudeur (enfin, si… un peu). Ébloui par le don de cette femme qui m’accompagnait dans ces plaisirs parallèles. Ébloui par la truculence de mon chaperon. J’étais à ma place, il n’y avait plus de doute possible, bien que ma place restait à faire. Aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau, mais ce n’était pas encore le large.
Ce moment fut néanmoins pour mouah un nouveau départ qui marquait la fin de quelque chose. Une étape cruciale dans mon cheminement bdsm.
Samedi soir dernier, lors d’une soirée privée, tous ces moments me sont revenus à la mémoire en apercevant parmi les convives ladite bijou devenue entretemps Hera. Ciel c’est… bijou Hera !
Un inconnu se présente à moi : » Bonjour Comte, heu? »…
» Ah non Monsieur, pas Comte… Ce n’est pas encore l’heure du duel. Vicomte, je vous prie. Monsieur le Vicomte de Valmont. (Apercevant bijou du coin de l’oeil) Attendez pas que bi… Hera vous reprenne mon cher ami, elle est assez à cheval sur les dénominations et elle connaît ses classiques… »
Ah qu’il fait bon manier le rire au lugubre d’une soirée sous le signe des vampires.
Plus tard dans la soirée, je me suis dis que le moment était venu de la remercier la Hera alias bijou pour ses judicieux conseils au tournant du millénaire. Je n’avais aucune espèce d’idée du comment lorsque la lumière vint. Et quelle lumière. Ce fut un petit moment d’improvisation pure comme je les aime.
Je lui ai tendu la laisse au bout de laquelle se trouvait une soumise masquée, agenouillée à mes pieds. Ai mis ladite soumise en contexte et lui ai gentiment proposé de nettoyer les souliers de la dame avec sa langue.
Si je me fie aux non-dits, je crois bien que Hera a apprécié grandement l’hommage avec la langue prodiguée à ses beauuux souliers par une plus-que-charmante nana docile.
À vrai dire, ladite nana a apprécié tout autant la situation, se permettant d’aller légèrement plus loin avec sa langue que le cuir du soulier pour déborder sur le bas de la dame qui ne s’en est pas formalisée, on se demande bien pourquoi.
Elle aurait dû.
Ce qui me fait penser que je devrais songer à quelque chose pour remercier chloé.
Valmont écrit :
Par lylia 2007-11-2 @ 8:11:34 pm
Monsieur,
Si pour vous il s’agissait de votre première sortie publique, pour
la “jeune soumise libidineusement délicieuse et allumée” il s’agissait de la première fois qu’elle se faisait “prêter”. Sept ans plus tard, ce souvenir lui revient encore à l’occasion, toujours accompagné d’un léger sourire rêveur, accroché à ses lèvres aujourd’hui un peu moins jeunes (mais plus sages, l’espère-t-elle).
Par ezael 2007-11-4 @ 5:11:03 am
Bonjour;
Alors je ne sais plus, de quand date cette petite histoire déjà? …sourire
Bon sang, ouf! Les temps on changé.
Mais, oui mais, j’ai apprécié votre blog, et je pense que certains
ont raison lorsqu’ils prétendent que le cercle O est été comme une Bible pour eux(?)
Bon moi , je préfère de loin , la vrais, en toute clarté, l’Ancien
testament, il est, comment dirais-je, plus en accord avec “Nous” les femmes.
Notre Place est bien plus précise, que dans l’ancien.
Bref, heureuse d’avoir fait votre connaissance.
Ezael
Par Valmont 2007-11-5 @ 3:11:46 pm
Mlle lylia,
en relisant votre note, je repensais à ce que vous souligniez dans
un autre contexte. Vous disiez remarquer un certain retour de Monsieur vers des événements du passé plus ou moins éloigné.
Je n’inventerai rien ici en soulignant qu’il est important de savoir
d’où l’on vient, pour mieux avoir une idée vers où l’on s’en va.
J’estime important de revenir sur les paroles, les gestes, les
événements et les rencontres qui jalonnent notre parcours bdsm. Il me semble sain et juste de souligner l’apport que certaines personnes peuvent jouer, directement ou indirectement, dans le développement de nos pratiques bdsm, ou en tant qu’individu tout court. Parfois, ce n’est que longtemps après les événements qu’un certain sens se dégage, que leur actualisation a lieu.
Vous parlez de léger sourire rêveur à l’évocation de ces moments
particuliers; j’ai plus souvenance d’un mouvement oscillatoire entre les regards farouches de la gazelle et ceux, concupiscents, de la pute. Que d’étranges sourires il en résulte… >:-D
Il est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’une soumise est
prêtée par son maître à un autre dominant. Ce qui me fait penser que je ne me rappelle pas avoir lu aucun témoignage d’une soumise ayant vécu cette situation, laquelle survient plus généralement en présence du maître.