Je lisais dans un forum bdsm il y a quelque temps une question qui m’a semblé à prime abord tendancieuse, soit la différence à faire entre manipuler et dominer. Si tant est qu’il y en ait une.
En consultant le Grand Dictionnaire de la langue française, on lit ce qui suit :
manipuler v. < manipylé > : 1. Manier. Manipuler un appareil. 2. Manoeuvrer. Manipuler l’opinion. [Au figuré] 3. Trafiquer. Manipuler des comptes. [Au figuré]. En droit, truquer v.
Quasi-synonyme(s) : manigancer v., manipuler v., tripatouiller v.
Domaine(s) : psychologie, publicité
manipulation de l’opinion n. f.
Équivalent(s) : English brainwashing
Quasi-synonyme(s) : manipulation n. f.
Ainsi donc, manipuler implique un certain maniement, contrairement à la manutentation qui s’applique aux objets. Et conditionner, n’est-ce pas manipuler ?
Il existe une grande part de conditionnement dans l’apprentissage de la soumission. De recadrage. De changements de perspectives.
Tout ça pour demander au dominant que je suis : jusqu’où pousse-t-on le conditionnement de la personne soumise ?
La manipulation n’est pas mauvaise
La manipulation n’est pas mauvaise en soi.
À ce compte, le prof manipule. Le patron manipule. Le prêtre manipule. Le médecin manipule. Le psychologue manipule.
Il existe même une part manipulatoire importante dans l’acte de dominer. C’est une question de responsabilité d’avoir tous les éléments en main pour bien juger d’une situation ou d’un acte.
Toute personne en situation d’autorité se retrouve dans cette situation. Est-ce pour autant mauvais ? Condamnable ?
J’irais plus loin : il y a toujours manipulation de la part du maître.
Comme le prestidigitateur qui ne donne que ce qu’il veut donner à voir. Car il a besoin d’en cacher un bout pour que la magie opère.
Il n’y a absolument rien de répréhensible dans la manipulation.
Rire « avec » la soumise et non « de »
Tant et aussi longtemps que le maître ne pose pas un geste ou dit une parole « au détriment » de la soumise, à ses dépends, mais avec elle, pour ses besoins à elle (même si cela devait lui en coûter), dans le but de l’amener à réaliser quelque chose, à assumer un besoin, un sentiment, un désir, voire à se dépasser physiquement et psychologiquement, je ne vois pas l’enjeu en cause.
Manipuler la soumise est une mécanique que j’assimile au geste de certains metteurs en scène qui, sur le plateau de tournage ou en répétitions, n’hésitent pas à déstabiliser l’acteur par une observation ou une remarque, dans le seul but d’obtenir exactement la réplique et l’intensité souhaitées, en le faisant « sortir de lui », en l’amenant à exprimer des émotions qui autrement resteraient lettre morte.
Elle ne sait pas toujours, la soumise. Elle ne veut pas toujours. Elle résiste parfois, consciemment, inconsciemment.
User de subterfuges
Le maître doit parfois user de subterfuges pour parvenir à un résultat donné avec la soumise, pour la déstabiliser, l’amener là où elle ne souhaite pas aller, que ce soit à titre démonstratif, pour qu’elle se défasse d’un préjugé, d’un sentiment négatif, d’une structure de pensée néfaste pour son équilibre, pour l’équilibre de son guide.
Ou que ce soit tout simplement pour lui montrer à la soumise que c’est lui le maître qui décide, pas elle. Qu’elle a beau avoir des limites, c’est à lui d’y voir.
(Si le maître est « assez intelligent » et à l’écoute pour aller jusqu’où il peut aller sans détruire la soumise ou la mettre « trop » en déséquilibre, c’est peut-être là justement que l’on peut parler de repousser ses limites.)
Quand je dis « il y a toujours manipulation de la part du maître » dans l’interaction BDSM, la soumise offre au dominant un tas de renseignements sur ce qu’elle pense et fait, dans les dits, dans les non-dits.
Le dominant devient alors un chimiste qui doit composer avec ces renseignements, avec tous ces éléments à sa disposition, le contexte, les buts qu’il poursuit, etc.
En ce sens, il manipule alors les fioles et les cathéters, sort sa pesée, tente des expériences qui parfois n’obtiendront pas les effets escomptés.
Bref, il n’est pas infaillible. Parfois, la mixture peut lui sauter au visage.
Tout cela étant dit, il est bien certain qu’il existe une pléthore de clowns qui se prétendent dominants et qui manipulent les autres à leur guise, dans le seul but de satisfaire leurs seuls besoins à eux, et au diable ceux des autres.
Laisser un commentaire