Michel Dorais, encore, dans La mémoire du désir, du traumatisme au fantasme.
« Ce qui a été dit à propos des relations initiales, notamment entre parents et enfants, ne devrait pas faire perdre de vue à quel point les toutes premières relations passionnelles, ou les plus enivrantes, sont tout aussi déterminantes.
« Combien d’hommes et de femmes aspirent encore à reproduire, dix ou vingt ans plus tard, l’euphorie de leur premier amour?
« Combien recherchent encore l’exaltation de ce premier attachement, fût-ce à travers la quête ininterrompue de nouveaux partenaires? »
Les expériences sexuelles initiales
« En étant vécues comme révélation de soi, de l’autre et de l’érotisme à deux, les expériences sexuelles initiales peuvent s’avérer décisives. Aimantés par le corps de l’autre, étourdis par le déferlement d’émotions que suscite la découverte de l’érotisme, les adolescents peuvent arrimer leurs fantasmes à leurs souvenirs des tout premiers émois sexuels.
« Il arrive aussi que le désarroi engendré par l’échec des premières passions ne fasse qu’ancrer le désir en des eaux qui l’ont bercé. Pour qui se sent désemparé par une première rupture amoureuse, grandes seront les chances de se tourner vers des partenaires ayant quelque ressemblance avec l’élu ou l’élue de son cœur. Le traumatisme causé par le premier chagrin d’amour demeure parfois insoupçonné : des années plus tard, un regard, un visage, une couleur de cheveux, une texture de peau, un certain type de physique rappelleront cet amour originel, que l’on cherchera à revivre, sans échec cette fois.
« Bien souvent, les frustrations causés par nos parents et les traumatismes causés par nos amours déçues se succèdent et se chevauchent au cours de notre vie. Les uns remplacent les autres dans le déroulement de nos drames intérieurs.
« Beaucoup d’entre nous transportent ainsi d’un ou d’une partenaire à l’autre leurs espoirs déçus, leurs rêves brisés et leurs amours déchues, pour revivre bien souvent les mêmes déceptions, les mêmes désillusions, les mêmes revers. En voulant nous défaire d’un traumatisme ou d’une frustration, quitte à emprunter les mêmes avenues, nous nous retrouvons trop souvent dans les mêmes impasses, où nous ne faisons que nous enfoncer. »
Comment expliquer pareille dynamique?
« L’orgasme étant expérimenté comme une libération sans précédent de tensions physiques et psychologiques, on comprendra que la vie amoureuse et sexuelle soit volontiers associée aux anxiétés, aux frustrations ou aux traumatismes qu’elle sert idéalement à soulager.
« L’angoisse fait corps avec le désir. Comme si seule l’imminence du plaisir, de l’euphorie, de l’orgasme arrivait à raccommoder les déchirures du passé et à contenir un instant nos peurs ou nos vides existentiels.
« Simultanément, l’incertitude inhérente à la réalisation de nos désirs soulève à son tour des appréhensions parmi les plus vives : nous craignons d’être ignorés ou, une fois de plus, rejetés, bernés, abandonnés.
« Nos traumatismes ne sont jamais autant présents que lorsque nous tentons de les dépasser. »
La mémoire du désir. Du traumatisme au fantasme de Michel Dorais.
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