Ce texte fut écrit par Valmont pour cercle O, puis pour le magazine Corps & Âme no 35 en avril 2003. Des retouches y ont été apportées depuis.
Dans les jeux extrêmes de confiance, tout se passe comme si la personne qui dirige les jeux, celle qui «domine», disait à la personne qui se soumet : «allez mon amour, saute en bas de la falaise sans parachute. Je suis là avec mon filet…»
Mais sur quoi se base donc cette confiance «folle» entre les partenaires?
Depuis plusieurs années, de nombreuses associations américaines et britanniques sont très actives dans la «Deffense et illustration» des activités BDSM. Je pense ici à la National Coalition for Sexual Freedom et la National Leather Association.
Pour ces organisations, la pratique du BDSM doit se faire selon des règles qui assurent une gestion responsable des risques qui s’y rattachent.
En l’occurrence, que les jeux doivent se dérouler dans un cadre sain, sécuritaire et consenti. Et dans le plaisir !
Table des matières de cet article
Entre le jeu et la réalité
Dans un cadre BDSM sain, les participants reconnaissent qu’il existe une différence entre le jeu et la «réalité». Les rôles qu’ils assument durant les «jeux» ne constituent pas la «réalité».
Médicalement parlant, on ne peut vraiment parler de cadre sain quand l’acte sexuel est caractérisé par des pulsions, des fantasmes, des comportements sexuels marqués et persistants, impliquant des objets, des personnes ou des situations inappropriées, et provoquant de la détresse et des difficultés à fonctionner sexuellement et socialement.
Ainsi, si t’es pas capable de faire l’amour sans recourir absolument au fouet (c’est un exemple), il y a peut-être un problème!
Entre le rêve et la réalité
Dans le fantasme, servir d’esclave sexuel, obéir à des ordres donnés avec des mots ou sur un ton humiliants, ou être la propriété d’une autre personne, peuvent être sources de grande excitation.
Or dans la réalité, ça ne se passe pas tout à fait comme on l’imaginait dans notre esprit.
En négociant une scène de jeu ou en jetant les bases d’une relation fondée sur les échanges de pouvoir érotique, il est utile pour la personne dominante d’aller au delà des fantasmes, des images et des idées préconçues de la personne attirée par la soumission.
Elle souhaite être dominée, se soumettre. Que veut-elle dire exactement?
Durant le processus de négociations et avant d’entrer en interaction, beaucoup évitent l’alcool, les drogues et toute autre substance pouvant altérer le jugement.
Dans un cadre sécuritaire, la personne dominante responsable ne s’engage que dans les pratiques dont elle connaît bien les principes et les techniques. Elle ne joue qu’à des jeux dont elle a une expérience raisonnable, avec le matériel requis pour éviter les risques de blessure pour tout le monde.
Personne ne se pratiquera sur une autre personne avec son nouveau fouet de trois mètres acheté la veille… Personne ne se lancera pas non plus dans un ligotage en suspension, sans avoir au préalable suivi d’ateliers.
Tout comme il existe des règles pour réduire les risques en s’adonnant à la plongée sous-marine et à la conduite automobile, il existe des façons de réduire les risques dans un contexte de jeux BDSM.
Fais lui mal, Johnny !
À la base, le BDSM c’est un jeu. Un jeu entre adultes consentants.
La différence entre le BDSM et le power trip, c’est le consentement des parties impliquées.
On parle ici d’un consentement éclairé, discuté, détaillé, documenté, maintes et maintes fois renouvelé, une compréhension partagée par tous les participants des activités proposées.
La différence entre une activité BDSM et un viol, c’est le consentement. La différence entre le BDSM et la violence conjugale, c’est le consentement.
Le consentement, c’est l’entente volontaire et claire entre les partenaires d’entrer en interaction, en vertu des conditions négociées. C’est la reconnaissance et la mise en place d’un droit de veto de la personne soumise. À tout moment, l’activité en cours peut être ralentie (code jaune) ou cessée (code rouge).
Parfois, cette entente fait l’objet d’un contrat écrit qui régit les droits et devoirs de chacun.
Étonnamment très détaillés dans certains cas, ces «contrats» n’ont évidemment qu’une valeur morale entre les parties. Sur le plan symbolique, ils ont parfois une portée plus forte que bien des contrats de mariage…
Entre le consentement et l’abus
Comment distinguer la relation d’échange de pouvoir érotique sain et pleinement consenti des cas d’abus et d’assaut?
La National Coalition for Sexual Freedom propose aux médecins, forces de l’ordre et travailleurs sociaux une grille de questions permettant de faire les distinctions qui s’imposent.
Les cinq questions suivantes peuvent aider à déterminer si le consentement fut présent dans l’activité.
- Le consentement fut-il expressément nié? retiré? Si l’un des partenaires retire son consentement durant l’activité, cela doit être respecté. Sinon, il est possible que nous soyions en face d’un cas de viol.
- Y aurait-il eu des facteurs qui auraient pu avoir un impact négatif sur l’obtention du consentement (facultés affaiblies par l’alcool, l’usage de drogues, personnes d’âge mineur)?
- Quelle est la relation entre les partenaires (première rencontre ou relation à plus long terme)?
- Quelle était l’activité en cause? (a-t-elle causé des lésions permanentes, était-elle non sécuritaire, plaisante)?
- Quelle était l’intention de la personne présumée abuseur (donner du plaisir, prendre le contrôle, faire mal)?
BDSM ou assaut?
L’établissement d’un cadre relationnel sain, sécuritaire et consenti constitue une réponse face à l’importance des cas de violence conjugale.
Les échanges de pouvoir érotiques devenant de plus en plus «mainstream», certaines personnes en profitent pour tirer avantage de la vulnérabilité des hommes et les femmes qui apprécient ces pratiques.
Cela complexifie la tâche de ces derniers tout comme celle des professionnels de la santé, des forces de l’ordre et des services sociaux qui ont à gérer les cas d’assaut et d’abus physique.
Si la personne porte des marques physiques, vous pouvez les juger à la lumière des indications suivantes :
- Les activités BDSM causent rarement des marques faciales ou sur les avant-bras (gestes de défense).
- Généralement, les marques résultant de jeux BDSM sont de formes assez régulières. Ce qui est une indication que la personne soumise gardait sa position.
- Les marques causées par la canne et le martinet sont souvent bien localisées. Dans les cas d’abus, les marbrures se retrouvent plutôt ici et là sur le corps.
- Les endroits les plus communément stimulés durant les interactions sado-masochistes sont les fesses, les cuisses, le dos, les seins et les organes génitaux.
BDSM ou abus?
Quel que soit son rôle (dominante ou soumise), une personne qui répond « non » à l’une des questions suivantes, présente de fortes chances de souffrir ou d’avoir souffert d’abus :
- Vos besoins et vos limites sont-ils respectés?
- Est-ce que la relation repose sur l’honnêteté, la confiance et le respect?
- Êtes-vous en mesure d’exprimer vos sentiments de culpabilité, de jalousie ou de tristesse?
- Êtes-vous capable de fonctionner au quotidien?
- Pouvez-vous refuser de participer à des activités illégales?
- Pouvez-vous insister pour avoir des relations sexuelles protégées?
- Avez-vous le choix d’interagir en toute liberté avec d’autres personnes en dehors de votre relation?
- Pouvez-vous quitter la situation sans craindre d’être victime de violence ou que l’(es) autre(s) participant(s) se fasse(nt) violence par elle(eux)-même(s)?
- Pouvez-vous prendre des décisions par vous-même touchant votre argent, votre travail ou votre vie en général?
- Vous sentez-vous libre de discuter vos pratiques et sentiments avec qui vous voulez?
Bonjour, je m’appelle Dominique, je suis une transsexuelle homme vers femme et me retrouve être Maîtresse depuis peu.
J’essaye de faire de mon mieux et votre site m’est d’une aide précieuse, surtout que j’apprécie beaucoup votre façon d’aborder le BDSM. Je ne peux pas encore vous parler de ma situation trés particulière que j’espère pouvoir évoquer avec vous, car elle me cause beaucoup de tracas. Je vais pour ce commentaire vous parler d’une chose qui m’a choqué, mais qui peut être à une explication plausible.
Je vous prie de m’excuser si ce commentaire se retrouve au mauvais endroit.
Voilà, j’ai appris qu’un Maître trés influent, ayant une propriété sur son esclave depuis 7 ans, fasse réaliser sur elle des sodomies à répétitions par de nombreuses personnes provenant apparemment d’une couche sociale élevée. Mais ceci se fait sans aucun moyen de protection (préservatif) le Maître désirant voir s’écouler le sperme de son orifice.
Quel est votre sentiment sur cette état de fait?
Existe t il des moyens de préventions qui se trouveraient acceptables dans ce milieu et dont je n’aurai connaissance?
Je précise que depuis 7 ans, il n’y a eu aucun problème de santé sur son esclave, mais je me trouve tout de même révoltée de ce procédé que j’estime particulièrement risqué pour cette esclave.
Je vous remercie de porter votre intéret pour ces questions qui me tiennent à coeur.
Dominique
PS: je souhaiterais pouvoir vous communiquer en direct, si vous voulez bien l’accepter, les aspects de ma situation si particulière, car j’ai beaucoup de doute sur mes capacités, et sur mes chances de pouvoir devenir la “Maîtresse” de cette dite esclave.
Dominique, ce qui est révoltant pour les uns ne l’est pas nécessairement pour les autres.
Une pratique sexuelle qui peut vous sembler banale et sans risque, peut choquer des gens autour de vous. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de la fellation qui est pour beaucoup de gens un geste simple et sain dans l’expression de notre sexualité, alors que pour d’autres, c’est une pratique dégoûtante et dangereuse pour la santé.
L’équilibre se trouve dans la gestion des risques et ça, c’est aux personnes concernées d’y voir. Que les personnes soient soumises ou dominantes.
Quant à vos questions, je vous propose de les poser dans le groupe cercle O dans Fetlife.
Merci pour votre aimable réponse.
J’ai appris entre temps que les pratiques sans protections de cette Esclave, allaient au delà de personnes pour lesquelles ont pouvait avoir un certificat médical (personnes totalement inconnues et croisées dans la rue).
Même dans ce cas, vous pensez que la gestion des risques serait acceptable? Excusez ma surprise si votre réponse est affirmative, car comment pour le Maître, concilier cela avec son devoir de sécurité pour son Esclave. N’y a t il pas une ambiguité sur les motivations réelles du Maître qui dans ce cas, ne domine pas son Esclave, mais la manipule pour réaliser ses fantasmes?
Je ne veux pas que vous pensiez que j’ai une attitude totalement négative vis à vis de ce Maître, car en dehors des pratiques, il prend particulièrement soin de sa propriété.
Une dernière chose, Est ce possible d’amener une soumise à signer un acte de propriété avant même 5 ans de pratiques communes? ( je ne connais pas la durée exacte). Sachant que sur un de vos textes, vous jugiez que cela se concevait en général pour une durée de 15 ans au moins.
Merci d’avoir pris le temps de répondre à mon précédent courrier!
Respectueusement, Dominique
Dominique, permettez-moi de ne pas me prononcer sur une situation que je ne connais pas.
La seule gestion des risques acceptable dans une relation bdsm saine est celle où chacun des membres de l’interaction prend ses responsabilités. Où la personne soumise n’abdique pas ses responsabilités et son jugement sous le prétexte qu’elle est soumise, qu’elle s’en remet à l’abandon et qu’elle n’a pas à remettre en cause les décisions de la personne dominante.
Wake up Cendrillon! Ça c’est de la bouillie pour les chats… et malheureusement une situation que l’on croise trop fréquemment (j’ai eu moi-même à la constater de visu il y a quelques semaines…). Où la personne dominante n’abdique pas ses responsabilités et son jugement sous le prétexte qu’elle peut faire ce qu’elle veut de l’autre personne.
“Avec de nouveaux pouvoirs viennent de nouvelles responsabilités”, lance Bill à la jeune fille qu’il vient de transformer en vampire dans TrueBlood. On ne saurait dire plus juste.
Dans votre seconde question, vous faites référence au billet intitulé Termes et caractéristiques de la soumission érotique.
Le fond de ma pensée sur la notion de propriété dans un contexte d’échanges de pouvoirs érotiques est le suivant : la personne dominante peut bien vouloir faire signer ce qui lui chante à la personne soumise. Il peut vouloir le faire dès le début de la relation, après une semaine, six mois, vingt ans. Que vaut exactement cette signature et quelle est la réelle signification du document? Et surtout quelle est sa réelle portée?
Nous nageons ici en plein folklore. La réalité est plus simple… et brutale.
Le stade de la propriété dans un contexte bdsm est un stade qui s’atteint après des phases successives de recadrage et d’intégration. Combien de temps durent ces phases? Cela doit dépendre de chacun, je présume. La seule constante ici est celle du temps requis. Ces processus, pour être pleinement effectifs, prennent du temps.