
Rien ne différencie plus un amateur de pratiques BDSM d’un amateur d’échangisme d’un amateur de parade de mode. Réunir ces trois-là dans la même pièce entraîne parfois des conflits regrettables dont on pourrait très bien se passer. Rien n’empêche non plus qui que ce soit de manger à tous les rateliers, nous vivons dans des temps libres.
Par contre, ce n’est pas parce qu’on porte du cuir ou que notre cou est orné d’un collier de chien, que nous pratiquons l’échange de pouvoirs érotique.
De la même manière, ce n’est pas parce que nous sillonnons les routes sur une rutilante Harley-Davidson of a bitch que nous sommes de facto membre d’une organisation criminelle.
Table des matières de cet article
De l’appropriation à l’incompréhension
L’expression des sexualités alternatives est devenue un véritable fourre-tout.
Depuis la fin des années 70, la mode des grands couturiers emprunte allègrement à l’imagerie BDSM sans partager aucune de ses pratiques, sauf à de rares exceptions. Ce n’est pas mouah qui le dit. C’est le propos de Mona Sammoun dans Tendance SM – Essai sur la représentation sadomasochiste, publié à La Musardine en 2004.
Cela génère par le fait même des malentendus et des incompréhensions chez les gens qui abordent les pratiques BDSM. Par la force des choses, beaucoup en arrivent à confondre le signe et la pratique.
Il est si facile de se laisser tromper par les apparences.
« Dans la liste des comportements sexuels répertoriés par Krafft-Ebing, le fétichisme apparaît entre le sadisme/masochisme et l’exhibitionnisme. Il est caractérisé comme la « prédilection prononcée pour une partie déterminée du corps de l’autre ».
« L’usage de ce mot est d’abord ethnologique : « D’origine portugaise, le mot est inventé en France par de Brosses en 1750. Il se réfère au « culte… de certains objets terrestres et matériels appelés Fétiches chez les Nègres africains, parmi lesquels ce culte subsiste, et que pour cette raison, j’appellerai Fétichisme ».
« Ce mot désignait pendant longtemps « un comportement social religieux primitif », il subira une mutation au début du vingtième siècle pour indiquer « un comportement individuel sexuel moderne ».
« Redéfinie par Freud, la notion de fétichisme allie les deux origines, ethnologique et sexologique, produisant un concept psychanalytique concernant aussi bien une réinterprétation de la perversion sous son angle pathologique qu’une définition de quelque chose d’essentiel propre à l’amour dans un comportement normal. »

Glissements progressifs de l’absence de plaisir
Aujourd’hui, quand une personne aborde les pratiques BDSM et cherche autour d’elle les « signes » de cette présence, elle croisera ici et là des annonces d’événements du type « bar fetish », « soirée fetish », « fetish night », « Latex Night ». Ou encore des annonces de bacchanales annuelles du type Montreal Fetish Weekend. Dans ces événements, on y croise plus souvent qu’autrement des femmes aux formes étourdissantes que moulent des tenues affriolantes. Dans la mouvance gay, ce sera des garçons sculptés au couteau, le regard viril et le paquet bien en vue. Y règnent le cuir, le latex et le pvc; les uniformes et le look gothique sont à l’honneur.
C’est là le fameux « strict dress code ». C’est-à-dire la tenue vestimentaire ou le code vestimentaire établi à l’entrée. Pour ma part, je ne suis pas un fan des soirées fetish, ces parades de mode latex-cuir-etc. Ces rencontres entre amateurs de BDSM et fetish dolls ne sont jamais très constructives. Du point de vue de la palette des jeux. Car le hic dans ces soirées, c’est que très souvent l’échange de pouvoirs érotique est mal vu!
On peut dire aussi que ces événements médiatisés sont la partie visible du iceberg kinky.
Deux interprétations
Sammoun encore :
« Le fétichisme se distingue par deux interprétations actuelles.
« Une première interprétation évoque l’attirance de certaines personnes pour un vêtement ou un costume (lingerie fine, nuisettes, costume d’infirmière ou de flic), une matière (cuir, latex, pvc, etc.) ou un accessoire particulier, les plus souvent des escarpins à talons aiguilles ou des bottes.
« La deuxième interprétation est plus générale. L’adjectif « fétichiste » s’emploie pour désigner tout objet, lieu, support, concernant des personnes pratiquant le sado-masochisme et/ou des personnes simplement intéressées par la mode fétichiste. Cet adjectif renvoie aux codes esthétiques liés au sadomasochisme et au fétichisme. »
Se débarrasser du mot « fétichiste »
Les amateurs de BDSM ont intérêt à se débarrasser du mot « fétichiste » au plus sacrant. Il engendre plus de problèmes qu’il n’en résout. Entre apprécier la mode et pratiquer de façon effective l’échange de pouvoirs, il y a un pas immense que l’immense majorité des fashionitas ne franchit pas.
Des problèmes? Les soirées et événements « fétiches » se tenant ici et là sont dans la majorité des cas organisés par… des boutiques qui ont des fringues à vendre.
Naturellement, ce genre de soirée attire davantage de gens attirés par les tenues affriolantes que de joueurs BDSM. Pourquoi? Pour des raisons plus pratiques que philosophiques. Jouer dans un espace rempli à craquer ne favorise pas les élans de martinet.
De la même manière, jouer dans un espace où la musique est assourdissante ne favorise pas la communication entre la personne dominante et la personne soumise. Or, une scène BDSM sans communication…
Enfin, il y a la présence de l’alcool. Si elle a le bonheur de désinhiber la timidité naturelle chez certaines personnes, l’alcool a aussi l’horreur de faire apparaître des comportements désagréables chez d’autres.
La dimension économique
D’un autre côté, rares sont les événements strictement BDSM car économiquement non viables.
Si une soirée annuelle peut faire ses frais sans trop forcer, les soirées mensuelles ou hebdomadaires connaissent leur part de difficultés. Je ne sais si c’est ainsi à Prague ou à Bordeaux, mais à Montréal, c’est nettement le cas. Deux facteurs principaux semblent expliquer ce manque de viabilité financière. D’abord le nombre plutôt restreint de joueurs. Si les amateurs de BDSM sont peu nombreux, il existe encore moins de gens en mesure de se lancer dans une scène BDSM devant public.
L’autre facteur qui rend la viabilité financière d’un bar à vocation BDSM est l’absence de vente d’alcool. Cela évite aux organisateurs (du moins au Québec) d’avoir des comptes à rendre à l’église la Régie qui régit les permis d’alcool. Le hic, c’est avec l’alcool que les bars font leur beurre.
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