Maître Bob de Germanicus présente dans « Les Amis de Germanicus », une approche dite Latine de l’art de la domination/soumission.
Je fais mienne cette approche dans ma façon de vivre l’échange de pouvoir érotique. Mais je ne saurais parler ni au nom de son auteur, Maître Bob de Germanicus, ni au nom des Amis de Germanicus, ni de l’approche dite Latine.
Qui sont les Amis de Germanicus
Dans tous les cas, je me réfère au texte intégral et n’en déroge poinct. Je ne souhaite pas dénaturer la pensée du bonhomme, que j’estime singulière, ni me lancer dans des interprétations.
- Maître Bob parle d’une école ou obédience latine. Celle-ci serait en opposition avec d’autres écoles que sont l’école Anglaise, l’école Orientale et l’école Gothique. (p. 10)
- Les Germanicus forment un cercle (p. 7), ils appartiennent à l’école latine (p. 14)
- Il existe plusieurs cercles latins (p. 9)
- « Même au sein de la même obédience, même au sein d’un même cercle, des nuances et même des différences parfois importantes pourront coexister en harmonie car la diversité ne nuît pas à l’harmonie. »(p. 11)
- « Ce livre, « Les Amis de Germanicus » présente une approche Latine de notre art. Au fur et à mesure, et plus je préciserai mon propos, plus je présenterai des visions qui me sont personnelles. Sachez donc que cette approche est celle d’un seul homme, un Maître 100% Latin mais sachez aussi que ce propos n’est pas parole d’évangile, qu’il peut, et même, qu’il doit être discuté et contesté. J’avance certaines théories qui sont miennes et que ne partagent pas certains de mes amis proches dont les avis sont aussi importants et éclairés que le mien. » (p. 18)
Un art noble, généreux et libre
La plume de Bob est claire, elle est adroite, articulée. Elle dit les choses avec élégance, un certain style et, peut-être même, avec une certaine brutalité.
Il rappelle le dur apprentissage de la liberté (« Notre art, car c’en est un, est noble, généreux et libre »). Et il souligne un truc fondamental qui déplait souverainement : la domination-soumission, c’est pas fait pour tout le monde.
Ben quoi! C’est pas vrai?
Bien sûr, tout le monde peut jouer du piano. Tu veux jouer du piano? Alors arrange-toi pour en trouver un, joue, apprends, fais ce que dois. Bien entendu, tout le monde n’est pas obligé d’écouter, surtout si la personne en joue mal. Il se pourrait aussi que des gens aient quand même envie d’écouter et c’est très bien ainsi, ça les regarde.
A contrario, quelqu’un qui frappe les cordes du piano comme un Dieu va bien évidemment attirer quelques paires d’oreilles et d’yeux. Encore là, si cette personne est farpaitement imbuvable avec son entourage, ça se pourrait aussi que personne n’ait très envie d’écouter sa partition, sinon pour ne prendre que la partie musique, en laissant faire « le reste ».
Le fond et le ton
Maître Bob souligne un autre truc qui déplaît souverainement. Pourtant, quiconque fréquente les espaces BDSM le constatent rapidement. Il existe des moyens tatas débiles mentaux chez les SM, « qui croient que l’art Sm se résume à distribuer de la douleur et à la pratique de la torture ».
Bref, beaucoup se disent rebutés par la forme de Maître Bob. Par le ton. Ils en ont le droit.
Je crois néanmoins que c’est davantage le fond qui repousse.
L’auteur insiste avec raison sur l’important travail d’analyse et d’introspection requis pour oeuvrer de façon valable et en arriver à mettre en place une interaction de pouvoir érotique enrichissante pour toutes les parties prenantes.
Et en général, les gens ne veulent ou ne peuvent pas investir dans ce travail. Et c’est bien correct aussi. Chacun.e fait ce qu’il veut/peut.
Un principe de fonctionnement de la pensée
Alors, que dit d’abord ledit Bob?
« Notre art n’est pas un mode de vie au quotidien, c’est davantage un principe de fonctionnement de la pensée. »
Maitre Bob
L’auteur insiste sur le respect des pans identitaires, afin de ne pas perdre de vue la finalité de la relation de pouvoir érotique selon lui : la transformation de l’individu qui la pratique.
Transformer, se transformer, ce ne sont pas là les plus minces tâches.
Cela implique des apprentissages importants. Notamment notre capacité d’écoute, notre capacité à dire… Ce sont des choses pas toujours facile ni à dire, ni à recevoir…
Qu’est-ce qu’on y peut?
Dans les pratiques BDSM qui viennent tellement nous chercher dans ce ce que nous sommes au plus creux de nos reins, peut-on vraiment faire l’économie des émotions et des sensations vécues avant, pendant et après une interaction BDSM?
C’est pas toujours un voyage à Disneyland, viarge!
Je sais bien que beaucoup de gens explorant les pratiques BDSM n’aiment pas la notion de travail sur soi. La dimension plus psychologique de la relation de pouvoir érotique, les rebutent. Ils se disent là pour s’amuser, s’éclater, pas se prendre la tête et le tibia.
Ils en ont le droit.
Mouah aussi d’ailleurs, je suis là pour m’amuser, m’éclater la tête et le tibia. Duh!
Tout comme j’ai le droit de penser que l’interaction de pouvoir, ce n’est pas tant une question de se prendre le tibia que de prendre le temps d’examiner ce qu’on fait et comment on le fait… pour mieux le prendre ce tibia.
Voilà ce qui constitue aussi un bel objet de plaisirs furieusement délicats. Ou délicatement furieux, ça dépend de l’heure et de la position du méridien…
L’érotisation de la volonté
Ce qui me séduit chez Bob, c’est qu’il aborde la relation de pouvoir sur une base sainte et concrète. Il insiste sur ce que j’appelle l’érotisation de la volonté*, et non sur l’érotisation de la douleur. Cette dernière est toute aussi légitime mais différente, il faut bien le dire.
L’érotisation de la volonté résulte d’une ambition commune et partagée entre adultes. Elle rend possible la mise en place d’un cadre de jeux intimes négociés et librement consentis, dans un rapport d’exigence subtil, ludique, sain, enrichissant… excitant, exaltant!
* J’emprunte cette belle formule de « l’érotisation de la volonté » à Dany Laferrière, invité, un jour, sur un plateau de télé, à dépeindre le roman Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. J’ai découvert plus récemment que Laferrière lui-même emprunta la formule à André Malraux, que celui-ci utilise dans sa préface d’une édition des Liaisons dangereuses parue en 1939.
Lire : La soumission érotique : un état paradoxal d’immense plaisir, de confort cérébral et intellectuel
Une danse de la séduction sapiophile
Je considère la pensée exprimée dans « Les Amis de Germanicus » comme l’un des fondements de la relation de pouvoir, telle que je la pratique.
La pensée de l’auteur n’est pas à la source de ma pratique débutée bien avant. Elle en est par contre le socle sur lequel j’envisage et approfondis ce lien si particulier qui m’unit à celle qui ose se soumettre à ma volonté l’espace d’un moment furtif ou sur une plus longue durée.
J’ai toujours cru que ce lien entre le Maître et celle qui se donne à lui (ben oui, je suis hétéro-normé) était d’abord intellectuel. Qu’il passait par la tête.
Qu’il y avait là une danse de la séduction main dans la main (et la main au cul) axée sur l’intelligence (qu’est-ce que l’intelligence?), une saine curiosité, toujours le goût d’apprendre et de s’ajuster, tout le temps, constamment; un certain équilibre dans le déséquilibre momentané (la tempête de neuro-transmetteurs), et de ce fait, sur la maturité émotionnelle de chacun pour redescendre et se fondre dans nos autres pans identitaires.
Le rapport de pouvoir tel que je le conçois et l’applique n’est pas qu’intellectuel, loin s’en faut.
Il est également charnel, très charnel. Moins sur le plan strictement sexuel (plutôt vide en soi) qu’en conjonction avec le sensuel… à la lisière de notre animalité, et même plus profondément, lorsque la température des corps s’exprime en kelvins.
L’hypnose de l’animal femelle
Quand je parle de notre animalité, je parle de ces espaces où les mots et les gestes déployés visent une véritable hypnose de la femelle. Je parle de ces espaces où les intentions et les priorités du Maître se mettent au service de ce que j’appelle la puissance du bouleversement.
Il est là le Graal de la relation de pouvoir : la puissance du bouleversement.
Il est là pour moi le véritable objet de ce que Bob appelle le « Cadre des Oeuvres ».
« Ce qui se passe, lors de la pratique de notre art, est fort, puissant et parfois dévastateur. Oubliez les images que vous avez en tête et les clichés galvaudés sur ce que vous croyez connaître.
« En entrant dans le Cadre des Œuvres, nous ne jouons pas les rôles des personnages que nous aurions aimés être, mais au contraire, nous nous autorisons à vivre pleinement, sans tabou ni pudeur, la réalité de notre être caché que la vie quotidienne bride, étiole et finalement efface si l’on n’y prend pas garde. »
Maitre Bob
C’est réellement la seule chose qui m’intéresse en ce bas-monde : aller la chercher dans ses retranchements… et les miens.
Sérieuse et froide, la domination latine?
« Peut-être pensez-vous que La Domination Latine est d’une rigueur extrême, inhibant toute fantaisie, codifiant tous les comportements et excluant les sentiments.
« En fait, il s’agit exactement du contraire. L’art de la Domination Latine est comparable à votre auto. Vous devez apprendre à conduire et bien connaître toutes les commandes puis, avant de démarrer, vous devez respecter les contraintes mécaniques, ne pas oublier de mettre de l’essence ni oublier de remplacer l’huile du moteur. Lorsque vous roulez vous devez respecter le code de la route et faire grand cas des autres véhicules qui vous entourent
« En résumé votre voiture, tout comme l’art de la Domination Latine, vous oblige à beaucoup de rigueur et à subir un nombre important de contraintes mais si vous dépassez ces obligations, si vous les acceptez et surtout si vous les comprenez, alors votre auto vous emmènera là où vous voudrez aller, au bout du monde si vous le décidez, au moment que vous aurez choisi et vous offrira liberté, plaisir et découverte.
Il en est exactement de même des relations de Domination/soumission Latines.
M.B.
D’autres écrits de BDSM Latins
Pour le reste, je n’ai jamais croisé d’autres écrits de Latins, hormis dans le défunt groupe MSN Les Amis de Germanicus, où s’exprimaient certains d’entre eux et elles.
Dans ce détestable article, un visiteur évoque d’autres tomes faisant suite au livre de Maître Bob. Mais je n’en ai jamais vu la couleur.
Je dis : détestable. Je trouve que ça manque de bienveillance, disons.
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