Cette FAQ sur le mentorat BDSM est le fruit d’un atelier dispensé par Ron Meshanko et Bob Sheavly, à la conférence Leather Leadership Conference, à Washington, en 2000. L’original, ‘SM Mentoring Frequently Asked Questions’, fut publié dans le groupe BDSM mentors, dans Fetlife. On peut le trouver désormais ici. L’adaptation française a été réalisée par Valmont.
Le paragraphe suivant est tiré d’un document interne d’une… multinationale québécoise :
« Plus de 3000 ans se sont écoulés depuis le départ d’Ulysse, légendaire roi d’Ithaque, pour la guerre de Troie, d’où il ne revint que 10 ans plus tard. Avant de quitter, il confia son fils, Télémaque, à Mentor, son plus ancien et fidèle conseiller, en vue de le préparer à gouverner. Mentor avait pour mandat de guider et d’instruire Télémaque dans l’art de la politique et les valeurs de l’âge adulte. À son retour le père et le fils s’unirent pour reprendre le trône. »
Table des matières de cet article
Qu’est-ce que le mentorat?
Le mentorat est « la plus complexe de toutes les activités humaines, car elle implique un amalgame d’enseignement, de conseil, de négociation, de supervision, de coaching et de persuasion, ainsi que d’autres qualités personnelles et interpersonnelles. » (Traduction du texte anglais du U.S. Department of Labor’s Dictionary of Occupational Titles.)
La définition tirée de l’article mentorat dans Wikipedia est nettement plus claire :
« Le mentorat désigne une relation interpersonnelle de soutien, d’échanges et d’apprentissage, dans laquelle une personne d’expérience, le mentor, investit sa sagesse acquise et son expertise afin de favoriser le développement d’une autre personne, le mentoré, qui a des compétences à acquérir et des objectifs à atteindre. »
Qu’est-ce que le mentorat BDSM?
Le mentorat BDSM est un moyen fréquemment utilisé par des gens voulant se familiariser avec les habiletés personnelles et interpersonnelles, et développer les compétences utiles dans le cadre de l’échange de pouvoirs et dans la scène bdsm publique.
Le mentorat BDSM est à la fois un processus, un ensemble de comportements et une relation, entre deux ou plusieurs personnes .
Qu’est-ce qu’un mentor BDSM?
Un mentor BDSM est une personne-ressource digne de confiance qui transmet à une autre personne, le mentoré, ses connaissances et son expérience. Le mentor BDSM possède une bonne expérience de la scène BDSM et des relations d’échanges de pouvoirs. Son efficacité tient à sa patience, sa capacité à l’empathie et ses talents de communicateur.
Le mentor BDSM a le désir sincère d’augmenter les chances de succès du mentoré. Pour ce faire, il veille à sa croissance personnelle en partageant ses forces, sa perspicacité, ses habiletés et son savoir appris au fil des ans.
Qu’est-ce qu’un mentoré ou protégé BDSM?
Un mentoré BDSM est une personne sans expérience des échanges de pouvoirs érotiques. Ce peut être une personne ayant une expérience de la scène publique BDSM, qui souhaiterait explorer sur la relation de pouvoir (et vice-versa).
En général, le mentoré est disposé à explorer le quoi, le pourquoi et le comment des protocoles BDSM.
Quel est le rôle d’un mentor BDSM?
Le mentor BDSM peut jouer plusieurs rôles auprès de la personne mentorée : conseiller, guide, enseignant, motivateur, référence, soutien, modèle, facilitateur.
Beaucoup de gens utilisent indistinctement divers termes pour désigner un mentor. Parmi ceux-ci : maître, tuteur, moniteur et coach. Il convient toutefois de faire des nuances entre ces termes apparentés.
*** Le maître désigne la personne accepte et fait usage des pouvoirs que lui délègue une personne soumise dans un cadre BDSM. Or, dans la relation de mentorat, il n’y a pas une personne qui domine et une autre qui se soumet.
*** Le tutorat est une relation entre un apprenant, le tuteur, et une personne en apprentissage. “Le tuteur n’a pas forcément toutes les connaissances que doit maîtriser l’apprenant au terme de sa formation. Son rôle n’est pas d’apporter des éléments de réponses aux problèmes posés mais de guider l’apprentissage.”
*** Le coach vise surtout la correction d’un comportement inapproprié et l’amélioration de la performance. Il s’attarde principalement aux tâches répétitives et de nature similaire. On parlera volontiers dans ce cas de professeur privé.
*** Contrairement au mentor qui intervient sur une base individuelle, le moniteur s’adresse à des groupes de personnes. On parle ici d’ateliers portant sur technique spécifique, par exemple, l’usage du fouet ou le ligotage japonais. Ou encore sur un point précis, par exemple, les différents types de protocoles.
Qui peut être mentor BDSM?
Ce peut être un ami, une connaissance, une personne que vous ne connaissez pas mais dont vous admirez le parcours. Ce peut être une personne recommandée.
Le critère principal dans le choix d’un mentor, c’est l’expérience de la personne dans les pratiques bdsm. Après tout, le but ultime du mentorat est de relayer son savoir et ses compétences acquis au fil des ans.
Quelles sont les différences entre le mentorat, un service en relation d’aide et la thérapie?
Un mentor n’est pas un thérapeute en relation d’aide, ni un pharmacien.
Il partage plusieurs traits avec le premier : les habiletés interpersonnelles, une bonne capacité d’écoute (il écoute plus qu’il ne parle) et la faculté de poser des questions ouvertes.
Le mentor n’hésite pas à référer son ou sa protégé.e à un professionnel dûment qualifié quand la situation le commande.
Enfin, le mentor ne distribue aucune forme de médicaments au mentoré.
Y a-t-il des limites au pouvoir du mentor?
Une relation de mentorat BDSM n’est pas une relation BDSM. L’échange de pouvoirs et les jeux de rôles ne sont pas appropriés dans le cadre de la relation de mentorat. Le mentor et le mentoré y sont égaux, sur le même pied. Il n’y a pas de dominant-dominé dans la relation de mentorat BDSM.
Quelle est l’origine du mentorat BDSM?
Le mentorat BDSM trouve sa source dans les nombreux moyens élaborés au fil des siècles par les groupes organisés dans la transmission des connaissances, des bonnes pratiques et des valeurs propres à ces groupes. On peut penser spontanément aux métiers de la construction, aux ordres religieux ou aux professions médicales, voire aux groupes criminels.
Dans les clans, le mentorat relève des plus vieux. Ceux-ci montrent les bases aux novices et les introduisent dans leurs réseaux (famille, cercle de connaissances, cercle intime, club).
Est-ce que le mentorat BDSM est une relation formelle ou informelle?
Beaucoup de gens croient qu’auparavant le mentorat se déroulait dans un cadre informel. En fait, c’était bien souvent des ententes contractuelles non-écrites entre le mentor et le mentoré. Un peu de la même manière qu’un Maître et une soumise établissent un ensemble de règles non écrites, lesquelles régissent néanmoins leur relation BDSM.
Dans le mentorat BDSM, le processus suit plusieurs étapes, incluant des tests d’habiletés qui permettent de mesurer le chemin parcouru.
(Note de Valmont : les auteurs sont vagues ici sur la question de ces « tests d’habiletés ». Le mentorat est tout de même une relation de transmission d’un savoir-être davantage que d’un savoir-faire.)
Quels sont les éléments à inclure dans un contrat de mentorat BDSM?
Vous pouvez établir une entente écrite qui définit clairement ce qui sera accompli durant la relation de mentorat.
Dans un contrat formel de mentorat BDSM, le mentor et le mentoré s’entendent sur une formule de relation, où chacun comprend bien les avantages et les limites inhérentes à ce type de relation.
Le mentorat BDSM n’est pas un cours sur les échanges de pouvoirs.
Les parties s’engagent à travailler ensemble sur une base de confiance et d’ouverture, en fonction d’un plan d’action. Ce plan peut inclure un énoncé de vision, des objectifs réalistes et mesurables, des activités spécifiques et un calendrier de rencontres. Il peut, en outre, comporter les règles de fonctionnement régissant la relation de mentorat.
Enfin, le plan d’action peut prévoir une date de fin de la relation.
Que dire de l’intimité physique, émotionnelle et sexuelle dans la relation de mentorat? Est-ce que le mentor et le mentoré ont des séances? Est-ce que les actes sexuels sont permis?
Voilà des questions à aborder de front par le mentor et le mentoré AVANT d’entrer dans une relation de mentorat BDSM.
Il est tout à fait approprié que le mentor accompagne le mentoré durant des séances BDSM. Non pas en jouant l’un avec l’autre, ce qui est déconseillé.
Le mentor peut mettre en contexte des situations de jeux, pour aider le mentoré à comprendre le pourquoi et le comment de tel ou tel acte, les nuances qui s’imposent, etc.
Y a-t-il un ordre à respecter dans les apprentissages du mentoré?
Non. Le mentorat BDSM n’est pas une formation sur les échanges de pouvoirs, avec un plan de cours prédéfini.
L’ordre des apprentissages dépend d’abord du degré d’expérience du mentoré.
Ensuite, il s’établit en fonction des objectifs à atteindre et des activités négociées au préalable.
Comment le mentor procède-t-il pour sélectionner un mentoré potentiel?
Plusieurs mentors s’attendent à ce que la relation de mentorat se déroule dans leur « zone de confort ». C’est-à-dire par rapport à ce qu’ils savent, aux techniques maîtrisées, au type de BDSM pratiqué.
Atteindre une telle zone de confort requiert plusieurs conditions. D’abord, une bonne chimie entre le mentor et le mentoré. Ensuite, le mentor possède l’expérience et les techniques recherchées par le mentoré. Enfin, les deux souhaitent explorer ensemble l’échange de pouvoir érotique (pas seulement l’un des deux).
Le mentor souhaitera investir dans une relation de mentorat à faible risque parce que tout ce que fera le mentoré rejaillira immanquablement sur lui (ou elle). Le mentor préfèrera une relation où les personnalités se marient bien et où chacun est à l’aise avec l’autre. Ce sont là deux gages importants de réussite d’une telle relation.
Comment le mentor réagit-il face au bris de confiance dans la relation de mentorat?
Bien entendu, les réactions dans ces cas divergent selon les personnes impliquées. Il y a de fortes chances que tout manquement à cet égard mettra la relation de mentorat sérieusement en péril.
Le mentoré doit être capable de discrétion par rapport aux informations que le mentor lui transmet durant et après la relation de mentorat, y compris des renseignements d’ordre personnel. Le mentoré doit pouvoir de son côté compter sur la discrétion du mentor.
Le rapport de confiance entre le mentor et le mentoré se fonde en grande partie sur cette discrétion.
Jusqu’à quel point l’identité et le statut BDSM du mentor peut influer sur la relation de mentorat BDSM?
Le mentor BDSM n’est pas nécessairement un dominant ou un maître. Dans ce type de relation, le mentor et le mentoré sont égaux. Le mentoré y affronte ses démons tout comme le mentor affronte les siens.
Quel que soit le statut BDSM du mentor et du mentoré, chacun doit se rendre disponible à l’autre. Chacun ne doit pas craindre de s’ouvrir à l’autre et de révéler ses vulnérabilités. Il faut avoir la capacité de recevoir et d’entendre ce que dit et fait l’autre.
Enfin, avouer son ignorance ou sa méconnaissance d’un sujet ou d’une technique, c’est un excellent moyen de faire moins d’erreurs.
Quelle est l’une des plus importantes qualités du mentor?
L’une des plus importantes qualités du mentor, c’est la capacité d’identifier les craintes du mentoré et d’oeuvrer en conséquence.
Que craint-il? L’autorité? Ses propres faiblesses? Ses incapacités? Le fait qu’il ne porte pas les vêtements appropriés? Qu’il ne possède pas le bon curriculum ou pas assez d’expérience dans telle activité BDSM?
La plupart des gens n’osent pas avouer leur ignorance, surtout en ce qui a trait à la sexualité.
Une fois les craintes du mentoré identifiées, le mentor doit amener le mentoré à reconnaître pleinement la crainte en cause. Dès lors, il cesse d’être sur la défensive.
Quand le mentoré cesse d’être sur la défensive, c’est là que le réel apprentissage commence.
Comment devenir un mentor BDSM?
Le meilleur moyen de devenir un mentor est d’être soi-même un mentoré. Un bon mentor est celui qui se met continuellement en position d’apprentissage. Un bon mentor est d’abord un bon élève.
En ce sens, la dynamique du mentorat BDSM ressemble à une danse. Chacun, le mentor et le mentoré, donne autant qu’il reçoit.
Ouverture, communication, loyauté
Pour devenir un bon mentor, vous devez être en mesure de transmettre à l’autre ce que vous-même avez appris depuis vos tout premiers pas dans la scène bdsm.
Chaque individu est interdépendant dans la relation de mentorat BDSM. Cette relation d’accomplissement mutuel, de compassion et de respect, doit se vivre dans une atmosphère d’ouverture, de communication et de loyauté.
C’est une dynamique où laisser l’ego de côté nous amène à l’empathie, à creuser loin en nous. Pouvoir nous mettre dans la peau de l’autre, ne peut que nous aider à mieux comprendre l’action et l’inaction.
Cela n’est possible qu’avec beaucoup d’écoute active. C’est ce qui nous aide à mieux appréhender toutes les dimensions de l’humain en face de nous.
Ni l’un ni l’autre ne domine la relation puisque chacun apporte des bénéfices à l’autre.
Que doit faire le mentor lorsque le mentoré semble emprunter une mauvaise voie?
Le mentor et le mentoré doivent d’abord s’entendre au préalable sur les types d’interventions envisagées.
En tant que mentor, vous devez établir clairement ce que vous ferez si le mentoré emprunte une voie qui vous semble contre-indiquée, s’il s’isole ou s’il sombre dans une dépression.
Ces types d’intervention doivent être précisés au moment d’établir les règles de fonctionnement de la relation de mentorat.
Comment le mentor gère-t-il le stress associé à la relation de mentorat?
Il ne faut pas accumuler les sentiments négatifs. Exprimer clairement et calmement ses émotions. Vous assurer comme mentor d’équilibrer la relation de mentorat avec vos autres responsabilités, BDSM ou vanille (famille, amitiés, travail).
Il faut se rappeler que vous serez appelé à fournir l’énergie initiale dans la relation. C’est vous la source et l’inspiration.
Après un certain temps, votre mentoré devra vous en donner en retour. Il doit faire preuve d’autant d’énergie que vous en faites preuve, afin que la relation puisse progresser. La relation de mentorat BDSM se doit d’être mutuellement bénéfique et enrichissante.
Comment la relation de mentorat affecte-t-elle le mentor?
Comme mentor, vous devez reconnaître que dans la relation de mentorat BDSM, vous serez aussi influencé par le mentoré que celui-ci le sera par vous.
Vous ne pouvez (pourrez) pas vous dire que cette relation ne vous affectera pas. Elle vous affectera de plusieurs manières. Au départ, vous vous direz peut-être : « Bah, je lui dirai tout ce qu’il faut faire et il (ou elle) le fera. »
Il ne faut pas perdre de vue que dans cette relation, il n’y a pas de dominant-dominé; les deux parties sont sur le même pied.
Le mentorat BDSM n’est pas un boulot, c’est une relation à part entière. Et comme dans toute relation, vous y mettrez du vôtre, vous vous investirez avec tout votre être. Tant le mentoré que le mentor ressortiront transformés de cette relation.
Comme mentor, jusqu’à quel point dois-je me révéler au mentoré?
L’honnêteté est primordiale.
La transparence de vos sentiments, de vos émotions et de vos sensations, de vos forces et de vos faiblesses, vous permettra, à votre tour, d’avoir accès aux sensations, aux émotions et aux sentiments du mentoré, de même qu’à ses forces et ses faiblesses, ses besoins, ses désirs et ses préoccupations les plus intimes.
Cette transparence vous permettra par le fait même de défier le mentoré lorsque la situation le commandera.
Quelles sont les attentes réalistes du mentor dans une relation de mentorat BDSM?
La plupart des mentors ont trois attentes principales :
- La discrétion du mentoré.
- Le réel désir du mentoré de faire l’apprentissage des échanges de pouvoirs érotiques, avec les efforts que cela demande.
- Enfin, des critiques constructives et du feedback de la part du mentoré.
Quels sont les bénéfices qu’un mentor peut retirer d’une relation de mentorat BDSM?
Le mentor a accès à de l’information sur lui-même et sur les autres qu’il n’aurait pas autrement.
En outre, il peut retirer de nombreux avantages d’une relation de mentorat :
- Une reconnaissance et une visibilité.
- Un accès direct ou indirect au réseau de connaissances du mentoré.
- Des occasions d’apprentissage en compagnie du mentoré.
- Une meilleure connaissance de lui-même dans l’exercice du soutien envers autrui.
- Des perspectives inédites ou mieux collées sur la réalité, dans la mesure où le mentoré lui transmettra des informations sensibles à son propos.
- Une bonne estime de soi.
- Une meilleure relation de mentorat avec son propre mentor, en « mentorant » d’autres personnes.
- Le mentor peut apprendre du mentoré, que ce soit des techniques spécifiques ou une meilleure connaissance de certains enjeux.
Quelles sont les attentes réalistes du mentoré dans une relation de mentorat BDSM?
La confidentialité des informations échangées. Un feedback juste et honnête du mentor. Des conseils judicieux, afin d’apprendre à bien naviguer dans les eaux parfois troubles de la scène BDSM. Comment s’assurer que les choses se réalisent. Des recommandations positives de la part du mentor dans son cercle de connaissances. Une protection.
L’expérience du mentor peut lui apporter de l’aide précieuse dans la résolution de problèmes et d’enjeux personnels et interpersonnels. Des occasions de démontrer ses habiletés, son savoir-faire et son savoir-être.
Quels sont les bénéfices qu’un mentoré peut retirer d’une relation de mentorat BDSM?
- L’expérience du mentor s’avère bénéfique dans plusieurs contextes : lorsqu’ils oeuvrent conjointement durant une séance BDSM, au moment de l’application de techniques appropriées, dans la prise de décision et dans la mise en application de scénarios.
- Des indications claires sur les points à améliorer afin de savoir répondre convenablement aux attentes de l’autre.
- Des conseils sur la sécurité des jeux.
- Accès au réseau de connaissances du mentor.
- Des indications sur ce qui est attendu et approprié dans l’espace BDSM privé et public.
- Accès à de l’information de qualité autrement inaccessible ou difficile et longue à assembler (et digérer).
- Soutien et protection du mentor.
- Amélioration des habiletés techniques et interpersonnelles.
- Conseils sur l’atteinte de l’équilibre nécessaire entre la part BDSM et nos différents pans identitaires (vie intime, familiale, amicale, professionnelle).
Avec une relation de mentorat, le mentoré bénéficie d’un canal d’expression privilégié, sans crainte de représailles.
Existe-t-il de bonnes ressources sur le mentorat?
Il n’existe pas de livre ayant spécifiquement été écrit sur le mentorat BDSM (au moment d’écrire ces lignes). Vous trouverez par contre plusieurs ouvrages et sites web sur le mentorat en général.
En français : Mentorat Québec.
En anglais : http://www.mentors.ca/mentor.html
Ds_master écrit :
Ce texte devrait être considéré comme une référence pour tous ceux qui s’intéressent au mentorat en BDSM.
Je voudrais juste ajouter deux choses :
1) Le terme « mentoré » ne me semble pas très usité en BDSM (je ne l’avais d’ailleurs jamais lu jusqu’ici dans la littérature traitant de la D/s) – ni même dans le monde professionnel en France.
On lui préfèrera avantageusement le mot « charge », qui nous vient du vocabulaire BDSM anglo-saxon, et qui s’écrit toujours avec une minuscule selon l’Etiquette (tandis qu’il est d’usage que le mot « Mentor » soit écrit avec une majuscule, ceci visant à reconnaître la valeur de cette personne et le respect due à la fonction).
Pourquoi « charge » ? Non pas que la personne en apprentissage soit un poids pesant lourdement sur les épaules du Mentor, mais parce que celui-ci a en charge sa petite « protégée » et qu’il en a la responsabilité.
2) Accepter de devenir le Mentor de quelqu’un n’est pas chose à prendre à la légère. J’ai moi-même refusé plusieurs fois de prendre sous mon aile des soumises novices, parce que je savais ne pas pouvoir leur consacrer le temps nécessaire – Et si c’est pour faire mal les choses mieux vaut ne pas les faire du tout.
Il ne faudrait pas sous-estimer la masse de travail considérable, l’énergie, l’attention, mais aussi toutes les déceptions à encaisser, ceci simplement pour répondre à un élan altruiste… Il faut savoir que la mission du Mentor peut aller jusqu’à aider une personne soumise à trouver son Maître ou sa Maîtresse, soit celui ou celle qui va profiter sans efforts de mois et de mois de travail intense et continu…
L’intéressement est donc un sujet problématique. Il y a certes pour le Mentor tous les avantages mentionnés dans le texte à partager ses connaissances et à prodiguer ses bons conseils. Il y a aussi la satisfaction personnnelle d’avoir fait une bonne action… Soit… Mais tout cela ne nourrit pas son homme si j’ose dire.
T’aider et te former je puis, jeune Jedi… Mais il faut aussi que cela serve la cause ; La mienne en premier lieu… Au Japon certains maîtres en arts martiaux continuent d’accueillir chez eux des étudiants (quasiment des disciples…) pour une durée allant de quelques mois à plusieurs années. Le deal est le suivant : Je t’apprends tout ce que je sais, et toi en retour tu me rends la vie plus facile en étant à mon service. Ca n’est pas si éloigné d’un contrat BDSM n’est-ce pas ?
Il est donc envisageable que le Mentor accepte une charge à la condition que celle-ci se mettre à son service à plein temps ou à temps partiel, ceci durant toute la période de son apprentissage, et sans pour autant que naisse entre eux une relation de Maître à soumise.
Le Mentor pourra exiger en récompense de son aide l’exécution de tâches ménagères par exemple, ou bien l’occupation de la fonction de soubrette, de chauffeur, de secrétaire etc… ; Il pourra même vouloir bénéficier de faveurs sexuelles, et c’est alors à la future charge d’accepter ou pas le pacte.
Valmont écrit :
Le mentorat, un élan altruiste? C’est passer sous silence, Monsieur, le fait en vertu duquel il n’y a pas que la personne mentorée qui apprend dans ce cadre. Le mentor aussi. Et peut-être encore davantage.
Si l’on cède à la tentation selon laquelle l’un sait tout et l’autre ne sait rien, votre commentaire alors s’éclaire.
***
Plusieurs points dans votre commentaire convergent vers ce que j’appelle la confusion des genres entre le maître et le mentor.
L’extrait qui suit illustre bien, me semble-t-il, cette confusion :
Parlons-nous bien de mentorat ici?
L’utilisation des mots « charge », « petite » et « protégée » me renseigne déjà sur cette convergence malheureuse qui se dégage de l’ensemble de votre commentaire. Que devient ce raisonnement dans le cas où un dominant mâle hétéro mentore un autre dominant mâle hétéro? Ou une femme dominante? J’y pense… voyons-nous beaucoup de dominantes mentorer des soumis, afin de les aider à… se trouver une maîtresse?
Un second élément dans votre commentaire me chicote, c’est celui de la responsabilité que vous évoquez. Je ne vois pas en quoi le mentor serait responsable de la personne mentorée. Il a des responsabilités, certes, tout comme la personne mentorée en a d’ailleurs, mais il en est responsable? La personne mentorée n’est-elle pas la première personne responsable de son propre cheminement, y compris dans la relation de mentorat?
Enfin, votre commentaire me permet d’aborder une hypothèse que je fais mienne depuis un moment sur le mentorat pratiqué dans la mouvance bdsm.
Cette hypothèse est la suivante : plusieurs personnes dominantes utilisent la rhétorique du mentorat pour se dénicher une soumise, novice de préférence. Cette figure de « celui qui sait » exerce un pouvoir de séduction certain sur de nombreuses femmes. La figure de Pygmalion n’est pas très loin.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’il y a une différence fondamentale entre la relation de mentorat et la relation d’échange de pouvoirs, ce que la FAQ évoque clairement à plus d’une reprise.
Corollaire : de nombreux dominants mâles mêlent allègrement mentorat, relation de pouvoir, initiation aux pratiques bdsm et protectorat dans leurs interactions avec des soumises novices. On peut avancer sans trop se tromper que dans ce contexte, le taux de réussite d’une telle « relation de mentorat » ne peut qu’être extrêmement bas (on ne lui apprend que ce qui fait notre affaire). Surtout, les conséquences sont fâcheuses car après une telle expérience, de nombreuses personnes, plus largement les personnes soumises, fermeront la porte à double tour à leurs désirs de soumission, ou n’y reviendront que des années plus tard.
Si le mentor cède à la tentation de réclamer son « dû » en échange de ses lumières, je crois qu’il est là le noeud. Le mélange des genres ne peut que générer de la pagaille dans l’interaction. Remarquez, il n’est pas interdit de coucher avec qui que ce soit pour quelque raison que ce soit, mais il ne faut pas se plaindre si l’interaction pique du nez… et décréter a posteriori que « finalement, la nana n’était pas une véritable docile ».
Ah, je ne peux m’empêcher un dernier petit mot tout petit : la notion de protecteur dans les espaces bdsm me fait toujours un peu rire. Si la personne soumise n’est pas capable de se défendre seule, et d’abord, face à moi le Grand Méchant Loup, elle est dans le trouble, la cocotte.
D/s Master écrit :
Je viens de voir que vous aviez répondu à mon commentaire, et je vais m’efforcer de répondre courtoisement à chacune de vos objections :
1) Certes, dans toute relation humaine les deux parties apprennent l’une de l’autre ; Et l’on pourrait dire aussi que le professeur apprend de ses élèves. Oui, si l’on veut, dans une certaine mesure… Mais n’inversons pas les rôles quand même : Il en sait bien davantage que ses élèves, et il donne bien plus qu’il ne reçoit en vérité.
2) En anglais le mot « charge » a de nombreux sens différents. Parmis eux : Responsabilité, fardeau, devoir, instruction etc…
Selon le Harrap’s :
To be in charge = Etre en charge, avoir la reponsabilité de
To take charge of something, of someone = Se charger, avoir soin, de quelque chose ou de quelqu’un.
To place something in somebody’s charge = Confier quelque chose au soin de quelqu’un, à la garde de quelqu’un, aux mains de quelqu’un
Voila définitivement l’origine du mot « charge » en BDSM.
Donc je vous confirme que le Mentor est bel et bien « en charge » de sa charge… Et parmi ses missions de Mentor il y a effectivement la protection de ladite personne (d’une manière générale dès lors que l’on nous a confié quelque chose il nous appartient de protéger cette chose).
3) « Que devient ce raisonnement dans le cas où un dominant mâle hétéro mentore un autre dominant mâle hétéro? »
Le recentrage de la question sur l’identité sexuelle des protagonistes me semble dénoter une vision déformée de ce genre de relation. J’ai envie de dire que là n’est pas la question, d’autant plus qu’il est tout à fait possible de mentorer à distance, donc ni jeu de mains ni jeu de vilains.
Mais pour vous répondre, la charge, quel que soit son sexe et son statut, reste à l’écoute attentive du Mentor. Aucune différence non plus si le Mentor est une Dominante, ça ne pose aucun problème de fond comme de forme. Si un Dominant souhaite être mentoré par un autre, c’est qu’il lui reconnaît la capacité de l’aider, et si cette aide est accordée la moindre des choses est d’écouter les conseils prodigués.
4) « J’y pense… voyons-nous beaucoup de dominantes mentorer des soumis, afin de les aider à… se trouver une maîtresse? »
Non, tout bonnement parce que (mais vous ne l’ignorez certainement pas), les Dommes croulent sous les propositions de soumis et qu’elles ont largement de quoi s’occuper sans avoir besoin de donner dans le « bénévolat ». La situation est toute autre pour les Doms qui rament souvent longtemps avant de trouver leur soumise (c’est un fait statistique).
5) « Je ne vois pas en quoi le mentor serait responsable de la personne mentorée. Il a des responsabilités, certes, tout comme la personne mentorée en a d’ailleurs, mais il en est responsable? La personne mentorée n’est-elle pas la première personne responsable de son propre cheminement, y compris dans la relation de mentorat? »
La charge est effectivement responsable d’elle-même puisqu’elle n’a pas de Maître pour endosser cette responsabilité. Il n’empêche, le Mentor a dans certains domaines ou en certaines circonstances une responsabilité qu’il ne peut rejeter. Citons par exemple la responsabilité d’éduquer de manière objective et impartiale, ou celle de veiller à ce que la charge en quête d’un Collier ne se fasse pas « avoir » par le premier pseudo Maître qu’elle rencontrera et qui saura l’entourlouper parce qu’elle est novice. Autre cas encore, plus parlant peut-être : Si le Mentor emmène sa charge à une soirée BDSM il a la responsabilité de veiller sur elle et d’empêcher toute situation regrettable. Evidemment si celle-ci tient absolument à faire ceci ou cela, il ne pourra l’en empêcher, mais leur accord tombera alors à l’eau.
6) « plusieurs personnes dominantes utilisent la rhétorique du mentorat pour se dénicher une soumise, novice de préférence. Cette figure de « celui qui sait » exerce un pouvoir de séduction certain sur de nombreuses femmes. La figure de Pygmalion n’est pas très loin. »
Vous n’êtes pas sans savoir que les soumises novices sont très recherchées par les Dominants. Si l’on voit ça d’un point de vue critique on dira qu’ils sont friands de « chair fraîche »… Et si l’on voit ça de façon positive, on dira qu’il est plus facile d’éduquer une novice que de faire désapprendre une soumise expérimentée, et de tout lui réapprendre selon sa propre vision des choses. Essayez de transformer une soumise SM en soumise D/s, même si elle est plein de bonne volonté… Il est nettement plus facile de partir d’une vanille.
7) Si, la relation Mentor/charge est bien une relation basée sur l’échange de pouvoirs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ailleurs. Puisque c’est une relation de BDSM il y aforcément échange de pouvoirs (échange différent de celui qui caractérise la relation Maître/soumise naturellement).
8) « de nombreux dominants mâles mêlent allègrement mentorat, relation de pouvoir, initiation aux pratiques bdsm et protectorat dans leurs interactions avec des soumises novices. On peut avancer sans trop se tromper que dans ce contexte, le taux de réussite d’une telle « relation de mentorat » ne peut qu’être extrêmement bas (on ne lui apprend que ce qui fait notre affaire). Surtout, les conséquences sont fâcheuses car après une telle expérience, de nombreuses personnes, plus largement les personnes soumises, fermeront la porte à double tour à leurs désirs de soumission, ou n’y reviendront que des années plus tard. »
Attention attention : Le Mentor n’est pas un Entraîneur. Donc il n’a pas à faire pratiquer des exercices BDSM à sa charge. Et pour ce qui est du taux de réussite, je vous répondrai que tous les Mentors n’ont pas les mêmes missions à accomplir ! Certains ont juste quelques interrogations à satisfaire tandis que d’autres doivent accompagner la charge jusqu’à ce qu’elle se trouve un Maître. Le problème est tout autre alors. Je ne risque pas grand chose à dire que plus la mission du Mentor est simple plus élevé est le taux de réussite de la relation…
9) « Si le mentor cède à la tentation de réclamer son « dû » en échange de ses lumières, je crois qu’il est là le noeud. Le mélange des genres ne peut que générer de la pagaille dans l’interaction. Remarquez, il n’est pas interdit de coucher avec qui que ce soit pour quelque raison que ce soit, mais il ne faut pas se plaindre si l’interaction pique du nez… et décréter a posteriori que « finalement, la nana n’était pas une véritable docile » »
Ouh la !… NON, NON, NON : Il n’est pas question de « céder à la tentation ». Ca ne fonctionne pas du tout comme ça. C’est, dès le départ, une relation de donnant à donnant : Le Mentor donne, mais il doit recevoir en retour. Certains ne réclament rien, font donc acte d’altruisme, mais d’autres sont pragmatiques et intéressés, et ils mettent leurs conditions avant même le début de la relation. Si la charge est d’accord pour accepter ces conditions, et bien tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et si elle ne l’est pas elle se trouve un autre Mentor. C’est un pacte, vraiment.
Ma position personnelle est que le Mentor ne devrait pas avoir de rapports sexuels avec sa charge, mais rien ne l’interdit en vérité. Ils sont tous les deux majeurs et vaccinés, s’ils se plaisent et que tout est bien clair dans leur tête comment s’y opposer ? La charge n’a pas de Dominant, elle est donc libre de son corps et peut choisir d’avoir du plaisir avec qui elle veut n’est-ce pas ? Si les deux parties conviennent de coucher ensemble, ils savent très bien les tenants et les aboutissants, et le risque que leur relation devienne plus fusionnelle. Mais si ils devaient devenir Maître et soumise, ce n’est pas le fait qu’ils ont eu des rapports sexuels ensmble que cela les dispense de suivre tout le processus des Négociations…
10) « la notion de protecteur dans les espaces bdsm me fait toujours un peu rire. Si la personne soumise n’est pas capable de se défendre seule, et d’abord, face à moi le Grand Méchant Loup, elle est dans le trouble, la cocotte. »
Ben c’est justement ça le problème… : Il y a des gens comme vous, qui se plaisent à être des prédateurs, et qui ont une certain potentiel de séduction dû au savoir et à l’expérience. Or des vanilles (en premier lieu les jeunes filles sans grand vécu) découvrant de leurs yeux écarquillés l’univers complexe et tentant du BDSM sont des proies très faciles.
Mais ce qui différencie l’univers du BDSM de celui des libertins, c’est que nous, nous devons nous comporter selon certains codes, certaines règles, sur lesquels repose toute la Communauté. Le BDSM est plein de ses contraintes, mais ce n’est pas pour rien qu’elles ont été établies…
Valmont écrit :
Vous écrivez :
Vraiment, je crois que vous vous méprenez sur le sens de ma formule. Car je souhaite que la personne soumise qui ose s’approcher de moi, apprenne à responsabiliser ses besoins et ses désirs, et qu’elle apprenne à réfléchir par elle-même avec toutes ses facultés, et non avec ses lèvres vaginales.
Si c’est ça être un prédateur…
Vous portez un jugement sévère sur une personne que vous ne connaissez pas, à qui vous n’avez jamais parlé, et dont vous ne savez manifestement rien.
Cette propension dans vos écrits à vous mettre du côté de ceux qui savent, qui ont l’expérience et qui excommunient ceux qui ne pensent pas exactement comme eux ou qui osent remettre en cause leurs écrits, c’est exactement ce envers quoi s’emploie cercle O depuis bientôt dix ans : apprendre à réfléchir par nous-même sur les enjeux de la relation de pouvoir, en départageant le fantasme de la réalité.
Ce qui est plus facile à dire qu’à faire.
MisterWatson écrit :
Bonjour
Merci pour cet article passionnant.
Une question importante n’est pas traitée, ou bien m’a échappée.
Quel est la complémentarité des rôles ? Un dom ne peut il mentorer qu’un apprenti dom, ou bien peut il aussi mentorer quelqu’un qui se situe côté soumission ? Et les switchs ?
Valmont écrit :
Bien sûr qu’un Dom expérimenté peut mentorer un Dom novice, voire même une personne située de l’autre côté du manche. Et vice-versa. L’enjeu n’est pas là.