Ce billet écrit en 2007 avait d’abord pour titre ‘Le protocole bdsm’. Avec le temps, je réalise qu’il est moins question de protocole bdsm tel que je le comprends maintenant que de simple étiquette… de savoir-vivre? de respect des différences?
Le billet de Janus, intitulé soumise: un nom ou un adjectif?, n’est pas sans me rappeler la première soirée de jeu bdsm de T… à l’automne 2006, tout près du pont Jacques-Cartier à Montréal.
La soumise est alors en tenue de soubrette, cagoulée, offerte aux regards curieux ou plus inquisiteurs. Elle est agenouillée devant le mur en plein centre de la grande pièce. Des sangles de cuir aux poignets et une gentille laisse au cou la retiennent captive, disponible.
Elle ne voit rien, ni personne. Mais elle entend tout : les conversations, les bruits, les plaintes…
Plusieurs personnes me demandent son nom.
Je parle assez fort afin qu’elle puisse bien m’entendre, et réponds : « Comme c’est sa première sortie, ce soir, la soumise est anonyme. Tenez, on va l’appeler mademoiselle. »
Ladite soumise tressaille.
- « C’est votre soumise, Monsieur ? » me demande un soumis qui porte le nom du meilleur ami de Tintin.
- « Non, mademoiselle n’est pas MA soumise, et je ne suis pas SON maître. Je ne sais d’ailleurs pas si elle le sera un jour, bien que nous cheminons ensemble depuis le printemps. Enfin, je vous avoue que je n’aime pas vraiment ce terme de maître que je trouve par trop pompasse. Mais oui, effectivement, mademoiselle est actuellement soumise à ma volonté. Je pense même que vous en avez un exemple éclatant sous les yeux… »
Je sens un pincement au cœur de mademoiselle. Je sais l’effet de mes paroles sur elle. Elle voudrait tellement être LA soumise de Monsieur, officialiser cet état de fait, le montrer au monde entier… enfin, à certains endroits dans le monde… :- ) L’appartenance et ses marques est un concept solidement ancré chez certains adeptes du bdsm. Parfois au mépris du bon sens le plus élémentaire.
Je sens pousser des points d’interrogation dans le visage de mes interlocuteurs.
- « Mademoiselle est en probation avec vous, Monsieur ? »
- « Non, pas du tout. Je ne crois pas du tout à tous ces colliers en ce qui me concerne. Cette soumise n’est ni en probation avec Monsieur, ni ne porte de collier de considération ou quoi que ce soit d’autre. Elle est libre d’aller où elle veut cette petite… even if she doesn’t want to go anywhere else, » que je rajoute en riant.
Les points d’interrogation se multiplient comme des petits pains chauds.
- « Est-ce qu’elle peut parler, ou peut-on lui parler ? »
- « Ah certainement. Elle n’est pas sourde ni muette, croyez-moi. Même que je sens qu’elle a en ce moment des tas de choses à dire. (Je guette le moindre mouvement perceptible de son corps.) Je n’ai rien contre le fait que vous lui parliez, bien que je préfèrerais que vous vous absteniez, afin qu’elle puisse goûter pleinement ces moments importants, ce qui est l’objectif de cette soirée, de sa soirée. »
Faire des nuances utiles, nécessaires et importantes lors d’une soirée de jeux bdsm, ce n’est pas la meilleure recette pour être farpaitement compris.
Je dis : dans les soirées de jeux, qui sont, comme tout un chacun sait, des espaces « d’action » et non de « dissertation ». Dans les salles de clavardage, où l’écran et l’anonymat cautionnent les comportements sociaux les plus régressifs qui soient, c’est encore pire. Chacun se croit alors investi du pouvoir de lui adresser la parole à la soumise en privé, sans le demander au préalable, ou encore de la haranguer en public, quand ce n’est pas de lui imposer des instructions.
De toutes façons, elle n’a pas de collier, la soumise, elle ne montre rien dans la façon d’écrire son nom en salle, même si elle chemine depuis plusieurs mois avec Monsieur. Bref, elle est libre, la soumise, disponible, saisissable. On peut s’en emparer. C’est une vulgaire marchandise.
Comme je dis alors à mademoiselle et à tous ceux qui veulent bien l’entendre, ce genre de comportement rustre à son égard (et au mien par la bande) en dit plus long sur le réel respect que ces gens ont des autres et de leurs choix et démarche, que tous les beaux discours auréolés des grands mots creux lancés régulièrement dans le chic des conversations à saveur bdsm.
J’ai le vif sentiment que la notion de protocole bdsm mériterait d’être définie, précisée, approfondie, expliquée, partagée. Ce qui réduirait de beaucoup les lynchages publics et les scènes d’enfantillages auxquelles les pratiquants du bdsm sont régulièrement confrontés lorsqu’ils entrent en interaction les uns avec les autres, que ce soit en face à face ou à distance.
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